
L’Univers
s’accélère


Mont Wilson, 1929 : Edwin Hubble s’appuie sur les travaux d’Henrietta Leavitt sur les étoiles variables pour déduire de ses observations que non seulement les galaxies s’éloignent de la nôtre mais plus elles sont distantes et plus elles s’en éloignent vite. Si tel est le cas, ce n’est pas qu’elles nous fuient mais plutôt parce que l’espace entre elles s’étend. L’Univers est donc en expansion !
Presque 70 ans après, deux équipes indépendantes ont découvert que non seulement l’Univers était en expansion mais cette expansion s’accélérait. Pour arriver à cette conclusion, ils ont examiné un échantillon d’étoiles particulières communément appelé supernovæ Ia, un type d’étoile correspondant à l’explosion d’étoiles massives. La différence de luminosité est liée à la distance de cette astre : plus il sera éloigné et plus sa lumière nous apparaîtra faible. En mesurant, cette luminosité, les scientifiques peuvent ainsi en déduire la distance. Lorsqu’ils comparent cette mesure à celle estimée pour un Univers en expansion, ils s’aperçoivent qu’elles nous sont plus distantes que les prédictions. Cette expansion n’est donc pas constante, elle s’accélère. Les objets s’éloignent les uns des autres de plus en plus vite.
Cette découverte est d’autant plus étonnante étant donné que la force dominante dans l’Univers – la gravitation – a plutôt tendance à rapprocher les corps massifs entre eux, que ce soit une pomme sur Terre ou des planètes autour d’une étoile. Et pourtant au lieu de décélérer l’Univers en rapprochant les corps entre eux, il semble que l’Univers grandisse de plus en plus. Ce qui produit l’accélération de l’expansion est donc l’un des plus grands mystères de la cosmologie et de la physique actuelle. Pas d’inquiétude, les scientifiques mènent l’enquête et possèdent déjà trois pistes principales décrites ci-dessous.
La constante
cosmologique
Un retour mitigé
La constante cosmologique (abréviée « Λ ») fût initialement utilisée par Albert Einstein lui-même pour modifier ses équations de la Relativité Générale afin qu’elles soient plus conformes à un Univers que l’on pensait statique à cette époque, et non en expansion. Elle correspond à une densité d’énergie, c’est-à-dire à une énergie par unité de volume, qui serait fixe avec le temps et l’espace.
Abandonnée après la découverte de l’expansion de l’Univers, la constante cosmologique fût réintroduite beaucoup plus tard comme source potentielle de l’accélération cosmique. À ce jour, cette constante s’inscrit dans un modèle d’Univers appelé Modèle Standard ΛCDM faisant intervenir une deuxième composante de nature inconnue : la matière noire. Ce modèle s’ajuste très bien aux données actuelles issues de plusieurs expériences mais, outre l’énigme autour de la nature de la matière noire, les scientifiques se demandent si une théorie se cache derrière cette constante cosmologique.
Il subsiste cependant un problème majeur : les prévisions théoriques quant à sa valeur diffèrent grandement de celles observées. Justifier cet écart nécessite de fixer sa valeur avec une précision extrêmement élevée.
De plus, comme le contenu de l’Univers change avec le temps alors que la densité d’énergie associée à la constante cosmologique reste constante, celle-ci est négligeable dans le passé et domine au contraire dans le futur sur toutes les autres espèces. Elle n’est donc du même ordre de grandeur que la matière uniquement à notre époque actuelle : quelle coïncidence !
L'énergie
sombre
Une énigme
à explorer
L’accélération cosmique pourrait également être produite par un fluide : l’énergie noire. Cette dernière, contrairement à une constante cosmologique, peut évoluer dans le temps et dans l’espace et pourrait même interagir avec les différentes composantes de l’Univers. L’approche la plus simple serait que l’énergie noire – autrement appelé quintessence – ne serait sensible qu’à la gravité mais à aucune autre force.
Jusqu’à présent, ces modèles d’énergie noire rencontrent des problèmes similaires à ceux de la constante cosmologique ; leurs valeurs doivent être ajustées et/ou conduites à une coïncidence. Dans ces modèles, la quantité d’énergie sombre présente dans le passé pourrait être plus grande et son évolution future pourrait subir de fortes variations. En pratique, les expériences actuelles permettent cependant de limiter la quantité d’énergie noire à laquelle on peut s’attendre dans le passé.
Gravitation
modifiée
Une alternative
envisagée
Dans notre modèle ΛCDM, nos théories de la gravitation sont supposées valides d’une échelle relativement petite jusqu’aux plus grandes. Et si cela n’était pas le cas ? L’accélération cosmique pourrait provenir de la manifestation d’une modification de gravité par rapport à la théorie de la Relativité Générale. En effet, le Modèle Standard suppose que la Relativité Générale reste valide indépendamment de l’échelle, que ce soit sur Terre et dans le système solaire ou sur des distances bien plus grandes. Il se peut toutefois que l’accélération que nous constatons soit le résultat d’une modification de la gravité, comme s’il y avait une force supplémentaire qui irait à l’encontre de l’attraction gravitationnelle.
De nombreuses théories ont été développées, allant de modifications simples à des interactions plus complexes. Certaines ont été étudiées, d’autres exclues (suite par exemple à la détection récente des ondes gravitationnelles et de leur contreparties optiques), beaucoup nécessitent davantage de données et d’efforts numériques pour être testées. À l’heure actuelle, de nombreux scénarios de gravité modifiée sont toujours en accord avec les observations.
Le défi
d'Euclid
Le défi majeur de la mission Euclid sera de tester le Modèle Standard ainsi que les théories alternatives en utilisant les techniques statistiques les plus avancées sur une quantité impressionnante de données afin de vérifier quelle supposition s’ajuste le mieux aux observations.
Un chemin passionnant nous attend : peut-être allons-nous découvrir une nouvelle composante de l’Univers ou de nouvelles interactions entre espèces. Dans tous les cas, nous comprendrons mieux comment fonctionne la gravité, le passé, le présent et l’avenir de notre Univers et de toutes les formes d’énergies qu’il contient.